Îlot refuge à Montréal

Découvrir l’approche vision zéro décès et blessés graves

Le concept de l'approche vision zéro et les grands principes nécessaires à sa mise en oeuvre.

Fiche / Guide

Citoyens, Décideurs publics, Professionnels en aménagement, Partenaires

L’approche vision zéro décès et blessés graves permet d’améliorer la sécurité des personnes qui marchent, mais cette approche ne cible pas uniquement les piétons. En effet, vision zéro nous amène à repenser la stratégie de sécurité routière pour rehausser la sécurité de tous les usagers de la route. Elle vise, à long terme, à éliminer complètement les décès dus à une collision routière.

De plus en plus de personnes se tournent vers des modes de déplacements actifs, comme la marche ou le vélo, que ce soit par souci de l’environnement ou encore par la recherche d’un mode de vie plus sain. Par contre, chaque année au Québec, de nombreux piétons décèdent ou sont grièvement blessés des suites d’une collision routière. Selon la SAAQ, 364 piétons ont perdu la vie suite à une collision entre 2013 et 2018, soit un décès tous les 5 jours (en moyenne). Les piétons n’ont pas d’armure et sont particulièrement vulnérables face aux véhicules en mouvement. Les décès de piétons sur nos routes sont inacceptables et nous pouvons les éviter.

Qu’est-ce que l’approche vision zéro?

L’approche vision zéro juge inacceptable les décès humains sur la route et vise à ce qu’aucun décès ne survienne des suites d’une collision, plaçant alors la sécurité de tous les usagers au cœur de sa philosophie. L’approche vision zéro repose sur les concepts clés suivants :

  • Repenser la sécurité routière en se basant sur l’approche « système sûr », qui reconnaît que l’erreur est humaine. Ainsi, mieux vaut composer avec elle que l'écarter : le système de transport doit donc être conçu de manière à prévenir toute collision qui peut être évitée, et de minimiser les conséquences de celles qui sont inévitables.
  • Concepteurs, gestionnaires, constructeurs et usagers partagent la responsabilité de créer un système qui ne produit aucune conséquence grave ou fatale suite à une collision.
  • La prise de décision se base sur des faits et les actions portent sur les causes systémiques des collisions. L'objectif est d'éliminer les risques de sécurité routière à la source pour tous les usagers de la route.

L’approche vision zéro est l’une des politiques en sécurité routière les plus innovantes au monde. Elle a vu le jour en 1997, en Suède. Depuis son adoption, la Suède a constaté une baisse radicale des décès liés aux collisions routières. Ce pari a été réussi en concevant des routes plus sécuritaires, c’est-à-dire en: 

• Priorisant la sécurité de tous les usagers et en abaissant la vitesse véhiculaire;
• Sensibilisant les citoyens en matière de sécurité routière;
• Renforçant les lois favorisant un comportement sécuritaire sur les routes;
• Sécurisant les routes grâce à une conception et des aménagements appropriés.

Suite à ces résultats concluants, l’approche vision zéro a fait boule de neige, adoptée par de nombreuses villes et sur tous les continents, comme aux États-Unis, en Australie, au Japon, en Afrique du Sud, et au Canada.

 

Au Québec

Le Gouvernement du Québec s’est engagé à adopter l’approche vision zéro comme stratégie de prévention en sécurité routière dans sa Politique de mobilité durable en 2018. La Sûreté du Québec a adopté cette approche dans sa Stratégie en sécurité des réseaux de transport 2021-2026 et la Société de l'assurance automobile du Québec mentionne appuyer ses interventions sur l'approche du Système sûr dans sa Stratégie de prévention en sécurité routière 2021-2025. Les Villes de Montréal, Trois-Rivières, Québec, Drummondville, Longueuil et Gatineau ont adopté l’approche vision zéro ou se sont inspirées de ses grands principes dans leur stratégie de sécurité routière. Toutefois, nous sommes encore bien loin de nos voisins ontariens, où vision zéro est implantée ou en voie d’implantation dans une dizaine de villes.

Il n’est plus acceptable que des décès et des blessures graves surviennent sur nos routes.

Les décès sur la route sont évitables et chacun doit pouvoir se déplacer sans être en danger, vision zéro constitue donc un changement de paradigme quant à la manière de concevoir les routes. S’éloignant de l’approche traditionnelle, axée sur la fluidité automobile et où la responsabilité de la collision est attribuée à l’usager, l’approche vision zéro reconnaît un partage de la responsabilité entre concepteurs, gestionnaires et usagers. La responsabilité n’est donc plus individuelle, mais collective. 

Alors que l’approche traditionnelle intervient ponctuellement, pour sécuriser les tronçons où il y a un fort taux de collisions (approche par point noir), l’approche vision zéro est plus englobante. Grâce à une approche systémique, elle recommande d’agir sur l’ensemble du réseau routier pour agir sur les risques à la source et rehausser globalement le niveau de sécurité. 

Les collisions graves et mortelles ne sont plus de banals accidents. Vision zéro recommande de renforcer le travail d’analyse des collisions graves et mortelles et la diffusion de ces données entre les différentes instances (services de police, réseaux de santé…). Avec plus de statistiques et une meilleure documentation des événements survenus, vision zéro apporte une meilleure compréhension des enjeux de sécurité routière et des facteurs augmentant la gravité de ces collisions, facilitant des interventions efficaces sur l’ensemble du réseau.

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Évolution des stratégies en sécurité routière
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Lors d’une collision à une vitesse de 30km/h, le piéton a une chance de survie de 90 %, contre seulement 25 %  à 50 km/h.

Prioriser la sécurité des usagers 

Avec l’approche vision zéro, la vie et la santé humaine sont priorisées lors de la conception de toutes les composantes du système de transport routier. 

Une attention particulière est portée au seuil de résistance des blessures biomécaniques des personnes. Plus la vitesse véhiculaire est élevée, plus grands sont les risques de blessures graves ou mortelles : lors d’une collision à une vitesse de 30km/h, le piéton a une chance de survie de 90%, contre seulement 25% à 50 km/h. La gestion de la vitesse est donc primordiale, puisque la vitesse du véhicule influence la gravité des blessures. Pour en savoir plus, consultez la fiche Apaiser la circulation et sécuriser les intersections dans nos milieux de vie de Piétons Québec.

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Les 4 domaines complémentaires d'un système sûr : des vitesses maîtrisées, des rues et routes qui pardonnent, des véhicules sûrs et des comportements adaptés

Intervenir sur 4 domaines complémentaires pour créer un système sûr

Le système sûr repose sur 4 composantes. Ainsi, pour parvenir à l’objectif vision zéro et qu’aucun décès ne survienne sur nos routes, des actions sur ces 4 domaines doivent être mises en oeuvre:

Rues et routes qui pardonnent

Prioriser la conception des routes de manière à ce que tous les usagers soient pris en compte, notamment avec des infrastructures qui « pardonnent » les erreurs humaines. Par exemple, pour sécuriser les déplacements piétons, on voudra ajouter systématiquement des trottoirs là où la vitesse véhiculaire est de plus de 30 km/h, réduire la longueur des traversées et assurer la présence fréquente de traverses sécurisées. (consultez la fiche Apaiser la circulation et sécuriser les intersections dans nos milieux de vie de Piétons Québec pour découvrir d’autres solutions d’aménagement).

Vitesses maîtrisées

Maîtriser les vitesses implique à la fois de gérer la vitesse véhiculaire et de modérer la circulation. La collaboration de plusieurs parties prenantes est essentielle pour réussir à abaisser la vitesse véhiculaire et demande un effort d’ingénierie, d’éducation, de politiques et de réglementation, de suivi et d’évaluation.

Comportements adaptés

Il est essentiel de sensibiliser et d’inciter les usagers de la route à l’adoption de comportements plus sécuritaires, notamment à l’endroit des usagers les plus vulnérables (outils de sensibilisation disponibles dans notre boîte à outils). Mais il s'agit aussi de concevoir des rues qui induisent l'adoption de comportements sécuritaires par les usagers. Le cadre réglementaire doit également être adapté à tous les usagers de la route, dont les piétons. Puis, cette réglementation doit être appliquée par les corps de police, en ciblant particulièrement les infractions les plus dangereuses pour les usagers vulnérables, tels que les excès de vitesse dans les milieux de vie ou le non-respect de la priorité piétonne de manière à favoriser des comportements sécuritaires et en accord avec le principe de prudence.

Véhicules sûrs

Les collectivités ont la possibilité de réglementer la circulation de camions lourds en milieu urbain. Des actions peuvent aussi être menées pour encourager la conception et la circulation de véhicules qui offrent une meilleure vision directe au conducteur, ainsi que pour inciter ou obliger l'ajout de dispositifs de sécurité (ex. jupes latérales sur les camions lourds, caméras, détecteur alertant les conducteurs de la présence d’une personne dans les angles morts, freinage automatique en cas de détection d'un piéton), notamment via la flotte de véhicules municipaux et via l’ajout de critères dans les appels d’offres de fournisseurs. Enfin, encourager les fabricants à concevoir des véhicules plus petits et décourager l'achat de gros véhicules aide aussi à sécuriser notre parc automobile et nos rues.

 

Stratégies à considérer dans l'implantation de l'approche vision zéro
1. 
Assurer l’équité des interventions sur tout le territoire (autant dans les nouveaux quartiers, dans les milieux de vie déjà existants ou les quartiers à faible revenu).
2. Consulter la population sur ses besoins de mobilité et les enjeux rencontrés dans son milieu de vie, l’informer des démarches en cours et favoriser l’acceptation sociale.
3. Regrouper et partager les données de collisions, blessures et décès des différentes instances (taille du véhicule, type de collision, type d’aménagement mis en cause et gravité des blessures).

Des exemples du Québec et du Canada

Au Québec, l’approche vision zéro est encore à ses débuts. Bien qu’elle soit plus présente dans de grandes villes, il est faux de croire qu’elle est l’apanage des grandes villes seulement. Toutes les municipalités, peu importe leurs tailles, peuvent mettre de l’avant les principes de la vision zéro, au grand bénéfice de la sécurité et de la qualité de vie de leurs citoyens. 

Drummondville

En 2020, la Ville de Drummondville s’est dotée d’un plan de mobilité durable basé sur l’approche vision zéro et « système sûr ». Avec l’objectif d’éliminer tous les décès ou blessures graves reliés à une collision d’ici 2040, ce plan s’échelonne sur une stratégie à long terme et des mesures sont mises en place graduellement chaque année. La participation citoyenne s’est faite lors de cinq soirées de consultation et d’un sondage en ligne. Drummondville est l’une des premières villes du Québec à se doter d’un tel plan, dont voici les faits saillants :

  • Augmenter de 20% la part modale liée aux déplacements actifs;
  • Implantation de mesures de modération de la circulation;
  • Installation de feux pour piétons sur l’ensemble des feux de circulation du territoire;
  • 32,5 km de nouveaux aménagements piétons, comprenant des raccourcis piétons;
  • Prioriser les usagers les plus vulnérables et aménager les infrastructures selon les besoins des piétons;
  • Évaluer la sécurité aux feux de circulation où le virage à droite au feu rouge est permis;
  • Adoption d’une politique de « rues complètes » pour que toute nouvelle rue ou réfection de rue existante tienne compte des besoins de tous les usagers, incluant ceux qui se déplacent à pied, à vélo ou en transport collectif.
Montréal

La Ville de Montréal a adopté l’approche vision zéro en 2018 et son premier plan d’action en 2019. Cette vision zéro s’articule autour de 22 actions dites « fédératrices », s’appuyant sur le travail et la coopération de plus de 430 initiatives de la collectivité montréalaise en sécurité routière. Afin de mieux comprendre les enjeux auxquels s’attaquer, une équipe a été formée pour identifier les failles existantes, s’articulant autour de trois thèmes principaux :

  • La gestion de la vitesse, soulevée par l’incohérence entre le type d’aménagement, les vitesses prescrite et pratiquée. 
  • Les véhicules lourds, souvent inadaptés à la circulation urbaine en raison de leurs tailles et de leurs angles morts. Il est difficile pour le conducteur d’apercevoir les usagers les plus vulnérables.
  • La traversée de la rue : c’est aux intersections qu’il y a le plus grand nombre de collisions graves. La visibilité peut être mauvaise, pour voir comme pour être vu, augmentant l’insécurité des plus vulnérables : les piétons.

 

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Îlot refuge à Montréal
Ajout d’un îlot refuge pour sécuriser la traversée des piétons, Montréal

 

Edmonton

Dans la Ville d’Edmonton en Alberta, l’approche vision zéro a été adoptée en 2015, et les résultats sont déjà concluants. Les décès dus à une collision ont diminué de 56% et les blessures graves de 30%. Edmonton base son approche sur l’équité et l’inclusion, intégrant les besoins de mobilité spécifiques de personnes souvent oubliées et plus souvent victimes de collisions, telles que les autochtones, les personnes racisées, les aînés, les femmes et les personnes à faible revenu.

Des milieux de vie plus sécuritaires bénéficiant à toute la population

Vision zéro vise à rehausser la sécurité de tous les usagers de la route, mais elle permet aussi de créer des milieux de vie plus sécuritaires, favorables à la mobilité active. Les usagers plus vulnérables s’y sentiront plus en sécurité : leurs trajets seront facilités et ils seront incités à se déplacer activement. 

Plusieurs retombées positives pour toute la collectivité :

  • Des options sécuritaires de déplacements non motorisés offrent une mobilité plus équitable à l’ensemble de la population,
  • Support aux commerces locaux : les personnes se déplaçant activement dépensent plus d’argent dans les commerces locaux que celles en véhicule motorisé,
  • Diminution de la pollution atmosphérique et sonore pour des milieux de vie plus agréables et mieux adaptés à la lutte aux changements climatiques,
  • Une population plus active et plus en santé, avec des impacts positifs sur le système de santé.

 

Bibliographie

 

Crédits

Coordination : Katia Lesiack
Recherche et rédaction : Xavier Tancrède et Katia Lesiack
Révision et relecture : Sandrine Cabana-Degani et Adéline Hamelin
Diffusion et intégration web : Chloé Fortin Côté
Graphisme : CORSAIRE Design | Communication | Web

©Piétons Québec, juin 2021

www.pietons.quebec

Description courte

La campagne Tous piétons ! est rendue possible grâce au soutien du ministère des Transports, par l’entremise du Programme d’aide financière du Fonds de la sécurité routière.

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