@PÉTÉ PHOTOGRAPHIE

Sécurisons la traversée des artères

Les artères sont le type de lieux le plus accidentogène pour les piétons. Elles comptent aussi le plus grand nombre de piétons happés mortellement au Québec. Les intersections des artères sont le point de rencontre de tous les usagers de la route, dont les besoins sont multiples et parfois concurrentiels.

Comment pouvons-nous intervenir pour aménager des intersections d'artères rendant plus sécuritaire la traversée des personnes se déplaçant à pied?

Fiche / Guide

Décideurs publics, Professionnels en aménagement, Partenaires

Pourquoi sécuriser la traversée des artères ?

Contrairement aux automobilistes protégés par l’habitacle de leur véhicule, les piétonnes et les piétons sont particulièrement vulnérables lorsqu’ils traversent des artères, ainsi exposés à la circulation et à la vitesse. De fait, lors de la traversée de la rue, les personnes piétonnes n’ont pas d’autre choix que de rencontrer la trajectoire des autres usagers de la route. L’analyse des bilans routiers au Québec établis entre 2015 et 2019 démontre que les artères représentent le type de lieu le plus accidentogène pour les piétonnes et les piétons (42 % des personnes piétonnes blessées se trouvaient sur une artère), avec le plus grand nombre de personnes piétonnes happées mortellement (38 % des piétonnes et piétons décédés). 

Traversée : point de vue piéton

Lors d’une traversée sur 5, la trajectoire de la personne piétonne sur la chaussée a croisé celle d’un véhicule à une distance de moins de 2m. 

Avant les interventions faites durant ce projet, on dénombrait moins de 50 % des piétons interrogés qui se sentaient en sécurité aux intersections d’artères majeures.

Les personnes piétonnes rencontrées se sentaient pressées par les véhicules ou percevaient que ces derniers roulaient à une vitesse excessive, démontrant qu’elles se sentent exposées au risque lorsqu’elles traversent ces intersections.

À certaines intersections, un quart des piétonnes et piétons disent ne pas respecter la signalisation pour leur propre sécurité. Ils adoptent une stratégie pour traverser au moment qui leur semble le plus sécuritaire, évitant les mouvements de virage des véhicules. Ainsi, ils n’appliquent pas les comportements attendus des équipes de conception et prescrits par la loi, puisqu’adopter ceux-ci semble leur procurer un sentiment d’insécurité.

À pied, chaque personne semble adapter ses comportements et ses déplacements pour gérer son exposition au risque. Socialement, ce risque est accepté : piétonnes et piétons, automobilistes et équipes de conception acceptent le fait que les personnes qui se déplacent à pied assument le fardeau de leur propre sécurité. Heureusement, de plus en plus de conceptrices et de concepteurs remettent en question cet état de fait et agissent pour assurer une meilleure cohabitation des usagers.

Passez à l’action pour sécuriser la traversée des artères

Au Québec, ce sont les municipalités qui détiennent le pouvoir d’action pour aménager et sécuriser les artères pour tous les usagers de la route. Plusieurs passent à l’action et corrigent la situation pour renverser l’urbanisme « tout-à-l’auto » hérité des dernières décennies. Toutefois, des obstacles peuvent freiner ou ralentir la mise en œuvre de solutions. Pour vous outiller, voici les résultats du projet de recherche À pied en sécurité : aménager la traversée des artères comprenant une revue de littérature, l’étude et le suivi de la mise en œuvre de différentes mesures visant à sécuriser la traversée des artères pour les personnes piétonnes dans 4 villes québécoises.

Apaiser la circulation sur les artères

Selon Morency et al. (2015), la largeur de la route, la longueur de la traverse piétonne et le nombre de voies de circulation sont associés à un plus grand nombre de piétonnes et piétons blessés aux intersections. Les intersections incluant des routes majeures recensent 11 fois plus de personnes piétonnes blessées qu’à celles au croisement de 2 rues locales. 

Batomen et al. (2023) ont évalué 8 mesures d’apaisement (surtout implantées sur des rues locales) et des données de collision collectées à Montréal de 2012 à 2019. Les résultats suggèrent que les mesures d’apaisement de la circulation sur les rues locales diminuent de 31 % les collisions avec blessé grave ou mortel (tous usagers confondus)

Morency et al. (2015) concluent que chaque voie de circulation supplémentaire aux intersections signalisées augmente de 75 % le risque de personnes piétonnes blessées. Il est donc intéressant d’étudier des sites où le partage de la chaussée entre les différents usagers est rééquilibré avec le retrait d’une voie de circulation et l’ajout d’une bande cyclable. Pour les intersections étudiées où ce type d’intervention a été appliqué, le nombre de personnes rencontrées percevant une vitesse excessive des véhicules a diminué après l’intervention.

Image
@PÉTÉ PHOTOGRAPHIE

Boul. de la Concorde/ rue des Alouettes (Laval)

Lors de travaux de resurfaçage de la chaussée, le marquage des voies et la signalisation ont été réaménagés. Une voie de circulation a été retirée, passant de 3 à 2 voies, pour ajouter une bande cyclable de 2m, une zone tampon, complétée de délinéateurs pour séparer la circulation automobile et cycliste. Des usagers vulnérables fréquentent le secteur, puisqu’une clinique médicale se trouve à quelques mètres de l’intersection, et 3 écoles primaires à proximité.

Retombées mesurées

  • Le nombre d’interactions piétons-véhicules a été réduit de 50 %.
  • Amélioration de 40 % du sentiment de sécurité.
Image
@PÉTÉ PHOTOGRAPHIE

Rue Joliette/Boul. Désaulniers (Longueuil)

Sur un tronçon situé à proximité d’un parc linéaire, les voies de circulation ont été réduites, passant de 2 à 1. Ainsi, des bandes cyclables unidirectionnelles ont été ajoutées, séparées de la circulation automobile par une zone tampon et des délinéateurs. Aux 4 coins de l’intersection, des saillies de trottoir ont été ajoutées en marquage au sol à l’intersection. Les voies de stationnement sur rue ont été maintenues.

Retombées mesurées

  • Le nombre d’interactions piétons-véhicules demeure inchangé.
  • La réduction à une voie ne semble pas avoir eu une grande incidence sur la circulation automobile.
  • Après l’intervention, les personnes piétonnes participantes trouvent que le temps alloué à leur traversée est court. Elles se sentent davantage pressées par les véhicules (+37 %). Cela rend la traversée difficile et pénalise leur sentiment de sécurité (-15 %).

Pour découvrir d’autres mesures d’apaisement : Apaiser la circulation et sécuriser les intersections dans nos milieux de vie (Piétons Québec, 2021). 

Bonifier les aménagements piétons

Crémazie entre d’Iberville et Saint-Michel, nord autoroute 

L’autoroute Métropolitaine représente une barrière physique, et plusieurs demandes ont été reçues pour faciliter la traversée piétonne sous l’autoroute et les cheminements des élèves dans ce corridor scolaire. Des saillies de trottoir et un îlot refuge ont été installés sur la rue transversale d’Iberville. Le trottoir a été élargi, passant de 1,5 m à 1,9 m. Un feu piéton non intégré automatiquement au cycle, avec bouton-poussoir, a été ajouté.

Retombées mesurées

  • Alors qu’une interaction sur 5 traversées était constatée avant l’intervention, le nombre d’interactions piétons-véhicules a été réduit de 25 % à la suite à cette intervention.
  • Toutefois, l’ajout d’un feu piéton sur appel, à l’aide d’un bouton-poussoir, semble moins apprécié. De ce fait, une diminution du respect du feu par les personnes piétonnes (7 sur 10 traversent lors de la phase piétonne, plutôt que 9 sur 10 auparavant) a été observée. 43 % des personnes traversant au feu rouge affirment que le temps d’attente est plus long depuis l’ajout du bouton. Certaines justifient leur traversée par l’absence de circulation (29 %), d’autres jugent cette façon de faire plus sécuritaire, car elles évitent les manœuvres de virage (14 %).

Khoshmagham et al. (2016) concluent que la configuration du phasage ne permet pas d’avantager tous les usagers de la route, et que la complexité des interactions sur les artères rend la programmation de la signalisation parfois difficile. Certains scénarios semblent plus efficaces pour les personnes piétonnes, d’autres les désavantagent au profit de la circulation automobile.
D’autres données peuvent orienter le choix du scénario à privilégier, par exemple le projet de recherche STRAPI conclut qu’une trop longue attente, supérieure à 30 secondes, engendre des traversées non respectueuses des règles.

Les Villes de Trois-Rivières et de Drummondville ont intégré un mode de feu piéton concourant, avec des feux piétons partiellement protégés, aux cycles de plusieurs intersections. Ceux-ci ont permis de réduire la durée d’attente pour tout le monde, de même que les interactions piétons-véhicules.

Le projet pilote à l’intersection du boulevard Saint-Joseph et de la rue Saint-Jean à Drummondville a permis de diminuer de moitié le temps d’attente piéton et d’augmenter le temps de traversée. 
Des répercussions positives ont été notées en ce qui concerne la circulation automobile, grâce à une augmentation du temps du feu de circulation au vert.

Si vous considérez adopter le mode de feu piéton partiellement protégé à certaines intersections, sachez que communiquer avec la population est important pour la sensibiliser au changement.

Interdiction de virage à droite au feu rouge

Boul. de la Concorde/ Boul. Laval (Laval)

Un panneau de signalisation interdisant le virage à droite au feu rouge a été installé à une intersection située à proximité de générateurs de déplacement, d’une station de métro et de train de banlieue, où les traversées piétonnes sont nombreuses pour se rendre au travail ou se déplacer en famille. Cette mesure demandée par la population locale bénéficiera aussi aux cyclistes utilisant les bandes cyclables. 

Le nombre d’interactions piétons-véhicules a été réduit de 30%, passant de 4 interactions à moins d’une interaction pour chaque 10 traversées.

Ajout de feux piétons

Av. Atwater/Av. Lionel-Groulx (Montréal)

Un feu piéton a été ajouté.

Retombées mesurées

  • 3 personnes observées sur 4 ont respecté la phase piétonne lors de leur traversée (+12 %).
  • Alors que 1 interaction sur 5 traversées était constatée avant l’intervention, le nombre d’interactions piétons-véhicules a été réduit de 50 % à la suite de l’ajout du feu.
  • Toutefois, 3 fois sur 4, c’est la personne piétonne qui a cédé le passage aux véhicules (+62 %).

Ajout d’un feu rectangulaire à clignotement rapide (FRCR)

Image
Crédit photo : INRS

Passage à mi-bloc, rue Maclaren Est (Gatineau)

Situé sur un tronçon d’une rue collectrice principale sur laquelle circulent environ 5 000 véhicules par jour, le passage piéton relie un hôpital et son stationnement. De plus, il est contigu à une voie de dépose-minute; les trajectoires sont donc variées et complexifient la traversée pour les personnes piétonnes. Des avancées de trottoirs sont présentes pour réduire la distance à traverser et offrir une meilleure visibilité aux usagers. Des feux rectangulaires à clignotement rapide (FRCR) ont été installés pour rendre la traverse bien visible et renforcer visuellement le message de céder la priorité de passage aux personnes piétonnes souhaitant traverser. 

Retombées mesurées

  • Interactions piétons-véhicules presque diminuées de moitié.
  • Sentiment de sécurité amélioré, soit 5 personnes sur 6 (augmentation de 30 %).
  • Alors que 2 personnes sur 3 disaient percevoir que les véhicules roulaient à une vitesse excessive sur le tronçon, leur nombre diminue à moins de la moitié.
  • Les personnes rencontrées soulignent que « la traversée est plus facile », se sentent moins pressées par les véhicules (-40 %).

Guo et Boyle (2022) constatent que le feu rectangulaire à clignotement rapide (FRCR) encourage les automobilistes à ralentir, même lorsqu’il n’y a pas de piéton. Aussi, leurs freinages sont plus forts et plus rapides à l’approche de la traverse avec un FRCR (étude réalisée sur 3 traverses à mi-tronçon d’une artère au Michigan, États-Unis).

Conclusion : De petits changements peuvent avoir de grands impacts

Image
@PÉTÉ PHOTOGRAPHIE

Ces résultats sont encourageants, car ils confirment que les villes détiennent le pouvoir d’action pour rendre leurs artères plus conviviales et plus sûres, sans nécessiter toujours de grands travaux d’aménagement. 

Les entretiens avec les villes impliquées révèlent des défis imprévus et la complexité d’intervenir sur les artères, mais aussi une grande capacité d'adaptation et de créativité. La collaboration, la planification stratégique et une attitude flexible sont essentielles pour la résilience des équipes et la qualité des interventions. Pour garantir le succès, il est crucial de comprendre les besoins des piétons dès la conception, puis d'identifier les activités où chacune des parties prenantes peut apporter son soutien. 

Les observations démontrent qu’une diminution des interactions piétons-véhicules aux intersections semble liée à un meilleur sentiment de sécurité piéton, à des piétons moins pressés par les véhicules en traversant, et parfois moins préoccupés par la vitesse des véhicules. Cela met en évidence l'importance de ne pas minimiser l'impact des interventions sécurisant la traversée d’artères, même les plus modestes, car elles peuvent significativement améliorer la sécurité des piétons.

Faits saillants
• Selon l’analyse des bilans routiers au Québec entre 2015 et 2019, 1 décès piéton sur 3 survient sur une artère principale.
• Avant les interventions faites durant ce projet, on dénombrait moins de 50 % des piétons interrogés qui se sentaient en sécurité aux intersections d’artères majeures.
• Après les interventions :
          • On remarque une nette amélioration du sentiment de ne pas être pressé par le temps lors de la traversée.
          • Le nombre de piétons trouvant que les conducteurs roulaient plus vite que la vitesse exigée a diminué.
          • Le respect du feu par les personnes piétonnes a augmenté aux intersections ayant une rue artérielle.
          • On a observé 50% moins d’interactions aux intersections – soit les occurrences où l’on observait une distance de deux mètres ou moins entre véhicule et piéton sur la chaussée.

Titre de la zone
Partenaire financier

Description courte

Cette recherche a été rendue possible grâce au soutien financier du gouvernement du Québec dans le cadre du Programme d'aide financière du Fonds de la sécurité routière.

Titre de la zone
Partenaires du projet

Description courte

Ce projet est mené en partenariat avec le Laboratoire piétons et espace urbain de l'Institut national de la recherche scientifique (INRS), dirigé par Marie-Soleil Cloutier et avec l’appui de MITACS.

Crédits

Coordination : Katia Lesiack et Marie-Soleil Cloutier
Recherche et rédaction : Wiem Bargaoui, Séverine Renard et Karine Lachapelle
Relecture : Sandrine Cabana-Degani
Révision linguistique : Révision AM
Graphisme : CORSAIRE Design | Communication | Web
Photos : Pété Photographie, INRS
Diffusion et intégration web : Chloé Fortin Côté

©Piétons Québec, avril 2024

pietons.quebec

Abonnez-vous à notre infolettre

Restez informé de nos prises de positions, de nos projets et activités!
Vous pourrez vous désabonner à tout instant.