Publicité de VUS sur un abri-bus.

Gros véhicules et publicité, un duo à encadrer

Introduction

Lettre ouverte parue dans Le Devoir, le 21 novembre 2021.

Points de vue | 29 nov. 2021

Dépendance à l'automobile
Zones modulaires

En plein Vendredi fou, nous étions bombardés de publicités nous incitant à consommer davantage. Sur toutes les plateformes, ces annonces se faisaient concurrence et, parmi elles, les publicités automobiles, surtout celles de véhicules à essence et de camions légers, une catégorie qui comprend les véhicules utilitaires sport (VUS) et les pick-ups, étaient particulièrement visibles…

Il est important de rappeler qu’au Canada, le secteur des transports représente 25 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), et les camions légers constituent l’une des deux principales sources d’augmentation des émissions de GES reliées au transport routier au Canada : entre 1990 et 2018, leurs émissions ont augmenté de 156 %.

Le constat est clair : on ne peut pas prétendre vouloir réduire les émissions de GES du secteur des transports à l’échelle du pays si la publicité des véhicules à essence, dont plus particulièrement des plus gros modèles, demeure omniprésente.

Ces véhicules sont partout, et leur clientèle ne cesse de s’élargir. En plus de leur importante empreinte environnementale, les impacts négatifs des camions légers sont directs et quantifiables, que ce soit sur la sécurité routière, la santé publique, l’espace disponible en milieu urbain, la circulation, les finances des familles ou l’économie.

Grâce à la publicité, l’industrie automobile prend littéralement d’assaut nos portefeuilles et notre planète. De toute évidence, nous avons de la difficulté à résister à ce matraquage publicitaire : plus de 4 véhicules neufs sur 5 vendus au Canada en 2020 sont des camions légers.

En effet, l’effet de la publicité n’est pas anodin sur les comportements d’achat. Une étude d’Équiterre visant à comprendre la hausse des camions légers au Canada souligne que près de la moitié des acheteurs de nouveaux véhicules se disent influencés par une quelconque forme de média. Ce n’est pas étonnant puisque 79 % des publicités automobiles recensées dans la presse canadienne présentent des camions légers. Par ailleurs, à elle seule, l’industrie automobile représentait 21 % du total de l’investissement en publicité numérique seulement en 2018, ce qui la classe au premier rang de ce palmarès.

Alors que le Canada s’est engagé à ce que 100 % des véhicules neufs vendus soient zéro émission d’ici 2035, on devrait, en toute logique, diminuer la vente de véhicules à essence à raison de 10 % par année entre 2025 et 2035. Cela ne saurait se réaliser sans un encadrement de la publicité des véhicules concernés.

La popularité croissante des camions légers, tout comme leur promotion massive, est incompatible avec notre cible gouvernementale de réduction des émissions de GES d’au moins 40 % d’ici 2030. En cette ère de dérèglement climatique, seules les actions concrètes et collectives comptent. Il est clair que la « bonne volonté » de l’industrie automobile ne suffit plus. Il faut que notre gouvernement exige un minimum de cohérence de la part d’un des secteurs économiques les plus polluants au pays.

Aucun règlement n’encadre les publicités de véhicules à essence d’un point de vue environnemental lorsqu’ils sont exhibés hors route. De plus, la consommation de carburant et les émissions de GES émises par les véhicules ne sont pas affichées. Il faut restreindre les pratiques publicitaires de l’industrie automobile en s’inspirant de la réglementation qui a été mise en place pour limiter la promotion de produits du tabac et de la vitesse au volant, par exemple.

En outre, en tant que société d’État, la Société Radio-Canada a un devoir d’exemplarité : les publicités qu’elle diffuse doivent faire la promotion de messages compatibles avec l’atteinte de nos objectifs climatiques et environnementaux. Nous l’encourageons — très fortement — à mettre à jour sa politique publicitaire.

Nous avons lancé une pétition qui appelle au resserrement du cadre réglementaire fédéral de la publicité des véhicules à essence et des camions légers les plus lourds et énergivores. Il est plus que temps d’agir pour que cesse cette influence publicitaire qui est un frein à la mobilité durable et qui ralentit les efforts pour lutter collectivement contre la crise climatique.

Signataires
  • Andréanne Brazeau, Équiterre
  • Charles Bonhomme, Fondation David Suzuki
  • Étienne Grandmont, Accès transports viables
  • Blaise Rémillard, Conseil régional de l'environnement de Montréal
  • Sandrine Cabana-Degani, Piétons Québec
  • Jérôme Laviolette, doctorant en génie des transports, Polytechnique Montréal

 

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