Voitures dans le traffic sur une autoroute enneigée

S’affranchir de la deuxième voiture

Introduction

Lettre ouverte parue dans La Presse, le 19 août 2022.

Points de vue | 19 août 2022

Dépendance à l'automobile
Zones modulaires

Comme partout, le Québec est affecté par l’inflation, qui se fait particulièrement sentir par l’augmentation du prix de l’essence et la pénurie de logements abordables. Pas étonnant qu’au même moment, les questions d’aménagement urbain fassent les manchettes : c’est que les villes sont au front face aux grands enjeux de l’heure. Certaines solutions à la crise de l’abordabilité et à la crise du logement sont les mêmes !

À l’approche des élections québécoises qui auront lieu à l’automne, nous proposons un engagement audacieux aux partis politiques : tout mettre en place pour permettre aux ménages québécois de se libérer de leur deuxième voiture. Et pourquoi pas des deux, pour ceux qui le souhaitent !

On le savait déjà : l’habitation et le transport sont les deux principaux postes de dépenses des ménages. Y accorder encore une plus grande part de son revenu se fera fort probablement au détriment d’activités physiques et culturelles, des loisirs, d’une alimentation saine, ou même des soins de santé. À l’inverse, se départir d’une voiture et privilégier le cocktail transport — transport collectif, marche, vélo et services d’autopartage – permet d’économiser plusieurs milliers de dollars.

Selon CAA, au Québec en 2020, le budget moyen annuellement alloué à une automobile était de 11 000 $⁠1 ! Avec la hausse importante du prix du carburant ces derniers mois, on peut s’attendre à ce que ce montant soit encore plus élevé. À l’inverse, le coût de l’utilisation du cocktail transport permet des économies de 50 % à 75 % pour les gens vivant dans un centre urbain⁠2.

Outre les bénéfices pour le portefeuille, il y a de nombreux autres avantages aux modes actifs et collectifs. En effet, durant son trajet en transport collectif, on peut lire ou commencer sa journée de travail en répondant à quelques courriels, en plus de faire le quart de l’activité physique quotidienne recommandée. Évidemment, de leur côté, les transports actifs permettent d’intégrer l’activité physique au quotidien sans bousculer son horaire !

La santé et la qualité de vie de la population s’en trouveraient nettement mieux. Pensons à la population vieillissante autant qu’à nos enfants : s’affranchir de l’automobile, c’est un gage d’autonomie, de bien-être et d’inclusivité !

Ces solutions de rechange nous coûtent aussi beaucoup moins cher collectivement, en plus de permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Alors que les émissions polluantes du transport routier ont augmenté de 60 % depuis 1990, l’Institut de l’énergie Trottier presse le gouvernement à « renverser la tendance à l’augmentation de la taille et du parc de véhicules, et à l’utilisation de la voiture ».

Des solutions à notre portée

Actuellement, ce sont 7,5 % des travailleurs québécois qui rallient leur lieu de travail et leur domicile en moins de 1 km et 36 % en moins de 5 km, des distances aisément parcourables à pied ou à vélo. Dans les petites et moyennes villes du Québec, ces proportions augmentent. À Sept-Îles par exemple, c’est 52 % de la population qui pourrait se rendre à son travail à pied.

Déjà, donc, beaucoup de Québécois pourraient se déplacer autrement qu’en voiture, à condition que leur soient offertes des infrastructures fiables, conviviales, efficientes et sûres.

Le développement des transports en commun suffisamment attractifs qui structurent le développement urbain demeure la solution prioritaire. Nous proposons un objectif ambitieux : d’ici 2035, il faudrait doubler l’offre de service. Le gouvernement a déjà des projets de tramway, de métro léger ou d’autres modes structurants à Longueuil, Montréal, Québec, Laval et Gatineau. Ce n’est cependant pas suffisant : il faut réfléchir à l’ensemble du Québec.

À cet égard, il est possible de déployer des services de transport en commun ou d’en améliorer la desserte et la fréquence rapidement, sans devoir toujours construire de nouvelles infrastructures. La Régie intermunicipale de transport Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine est un exemple franchement inspirant qu’il faudrait reproduire ailleurs au Québec.

Des milieux de vie qui nous libéreront de l’automobile

Pour permettre au plus grand nombre de Québécoises et de Québécois de se libérer de leur voiture, il est impératif de réaménager nos municipalités en construisant la majorité des nouveaux logements à proximité des services déjà existants. Les données sont claires, la proximité est la clé. Il faut également profiter systématiquement du développement d’un nouveau quartier et de la réfection complète d’une rue pour penser aux aménagements et aux services qui permettront à la population de se déplacer efficacement et en sécurité à pied, à vélo et en transport collectif.

Ces principes se retrouvent au cœur de la nouvelle Politique nationale d’aménagement du gouvernement du Québec. On attend maintenant les actions concrètes qui permettront de la mettre en œuvre.

L’État peut et doit agir pour aider les ménages québécois à se défaire du fardeau financier de la possession automobile en offrant des options variées de mobilité durable et en favorisant le développement de milieux de vie complets qui permettent aux Québécois de s’affranchir de leur deuxième voiture.

Les solutions existent. M. Legault, Mme Anglade, M. Nadeau-Dubois et M. St-Pierre Plamondon, lesquelles comptez-vous mettre en place ?


1 Protégez-vous. Posséder une auto, combien ça coûte? Vérifiez-le
2 Équiterre. Cocktail transport

Signataires
  • Sarah V. Doyon, Directrice générale de Trajectoire Québec
  • Christian Savard, Directeur général de Vivre en Ville
  • Sandrine Cabana-Degani, Directrice générale de Piétons Québec
  • Jean-François Rheault, Président-directeur-général de Vélo Québec

 

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